Alors qu’Adélaïde LOHIO, fondatrice de L’Observatoire Beauté – une trendletter hebdo sur l’actualité beauté – a fait des seniors son dernier sujet de prédilection (étude en souscription « Silver Gen, La Ruée Vers L’Or »), elle nous pousse à la réflexion sur le discours à adopter autour de l’anti-âge. Comment parler d’anti-âge alors que l’on n’a toujours pas trouvé la source de la fontaine de jouvence ? Selon elle, tant que Jeff Bezos n’aura pas trouvé la formule de l’immortalité, ce terme n’a pas lieu d’être.
Les milliardaires de la Silicon Valley s’évertuent à trouver un traitement pour contrer « l’une des pires maladies humaines qui soit, la mortalité » selon les propos de Jeff Bezos, fondateur d’Amazon qui a lancé en janvier ALTOS LAB pour faire plancher d’éminents scientifiques sur la reprogrammation cellulaire. On peut citer NEW LIMIT, une entreprise américaine qui, avant lui, a commencé à se concentrer sur la reprogrammation épigénétique afin de prolonger notre espérance de vie. On pense aussi à Larry Ellison, fondateur d’Oracle qui trouve la notion de mortalité « incompréhensible » et a créé l’Ellison Medical Foundation pour financer des recherches anti-sénescence.
Le travail va bon train mais nous sommes encore loin d’avoir trouvé la source de la fontaine de jouvence. Pas de remède « ANTI » à l’horizon. Donc faute d’avoir l’optimisme propre aux magnats de la Silicon Valley, il est plus que temps de trouver une alternative au mot anti-âge.
Être anti, c’est être contre
L’anti-âge, bien que décrié depuis de nombreuses années – rappelons que déjà en 2017 le magazine de beauté américain Allure s’engageait à ne plus utiliser ce mot pour ne plus « soutenir l’idée que le vieillissement serait une condition contre laquelle lutter » – reste le terme le plus utilisé quand on parle de produits cosmétiques à destination des femmes vieillissantes.
Feuilletez le supplément Elle du mois de décembre, si l’édito est plein de promesses, tout le contenu du magazine parle d’anti-âge et montre des femmes bien plus jeunes qu’elles ne devraient. Nos consos ne s’y trompent pas, 78% des femmes de plus de 50 ans pensent que la beauté se concentre sur le combat plutôt que sur le vieillissement (2cv.com).
Etre pro, c’est être culpabilisateur
Afin de remplacer le terme anti-âge, on a commencé à parler de well aging, slow aging, pro aging ou encore de better aging dont l’objectif à la base est bon : promouvoir un mode de vie sain, donner une apparence saine à la peau plutôt que de cacher ou faire disparaitre la ride… et pourtant, pour certaines, ce discours devient culpabilisateur. Phénomène déjà observé autour du body positivism.
En effet, dans notre société, quand on valorise une femme plus âgée, c’est pour la féliciter de ne pas faire son âge : on dit d’elle qu’elle « est super bien conservée », on valorise le fait qu’elle soit pro-active face à la vieillesse. Mais insidieusement, on sous-entend qu’une femme qui fait son âge ne s’est pas assez bien occupée d’elle et elle finit par avoir honte de vieillir.
Le « bien vieillir » se transforme donc en injonction parce que bien vieillir c’est dire qu’on reste jeune or, est-ce réellement ce que veut notre conso de 50 ans et plus ? Encore une fois, c’est quoi bien vieillir ?
Alors que fait-on ?
Vaste sujet qui mériterait un focus spécifique mais ce qu’il faut retenir c’est qu’il y a différentes manières de vieillir, il y a différentes manières de vouloir vieillir et il est important de savoir toutes les prendre en considération et ce sans donner d’injonction à nos consos. On doit normaliser le processus de vieillissement. JE VIEILLIS COMME JE VEUX ! Il est important de savoir se concentrer sur les aspects positifs du vieillissement, aider notre conso à sortir des stéréotypes, ne pas la laisser se définir uniquement par son âge. C’est tout le discours de la campagne L’Oréal Paris intitulée « Lessons of Worth » dans laquelle Kate Winslet enlève tout son maquillage pour parler estime de soi et nous expliquer qu’aujourd’hui encore trop de personnes considèrent leur valeur à travers leurs jeunes années !
Et si la solution était d’interdire cette allégation ?
Aujourd’hui, les produits et l’allégation anti-âge doivent répondre à une certaine réglementation mais les frontières sont assez obscures permettant aux marketeurs de jouer avec les subtilités de la langue. Imaginons que l’allégation soit interdite comme cela a pu être le cas pour les termes « blanchissant » ou « waterproof » ? Cela forcerait peut-être la réflexion des équipes marketing pour trouver non pas une mais des alternatives au mot anti-âge afin de répondre à cette multitude de consommatrices et leur souhait de vieillir à leurs manières.
En 2030, les plus de 65 ans seront plus nombreuses que les moins de 20 ans. Alors, changer notre façon de penser au vieillissement commence par changer notre façon de parler du vieillissement.
Pour contacter Adélaïde LOHIO – Fondatrice de L’OBSERVATOIRE BEAUTE